Whiplash est l'histoire d'un jeune batteur de jazz très ambitieux, aux prises avec un chef d'orchestre tyrannique. Le film soulève la question de la recherche de perfection, et des moyens utilisés pour y parvenir. C'est en étant abusif et brutal que le chef d'orchestre espère (du moins le prétend-il) découvrir, ou même créer, le prochain génie du Jazz, avec en filigrane l'histoire vraie de Charlie Parker qui avait raté un solo pris beaucoup trop vite et avait du quitter la scène, humilié, pour s'entraîner seul pendant un an et revenir transformé.
L'on passera quelques invraisemblances (les blessures à la main du batteur, la vengeance complètement hors sol du chef d'orchestre). Il y a peut-être aussi une petite facilité scénaristique qui consiste à se focaliser uniquement sur l'enjeu d'une tenue d'un tempo endiablé, en laissant de côté d'autres aspects techniques du métier de batteur. Le but du héros d'être le meilleur batteur du monde semble également en décalage, on ne le voit pas apprécier particulièrement la musique, et son intérêt semble porter uniquement sur la performance technique et athlétique.
Mais en revanche, quelle maîtrise dans la mise en scène et le montage ! Pas étonnant qu'il ait reçu tout un tas de récompenses dans la catégorie. La scène de début, quand le héros s'entraîne seul, et que le chef d'orchestre entre dans la salle de répétition, est saisissante : la caméra est en vue subjective du point de vue du chef d'orchestre, et le héros semble tout d'un coup nous remarquer, lever la tête, s'arrêter, et s'excuser. La scène de l'accident de voiture est également une séquence choc, c'est le cas de le dire, et m'a fait sacrément sursauter. Enfin, la dernière scène est magnifique, avec des mouvements et des placements de caméra tout à fait remarquables, et qui accompagnent la musique au plus près. Cela rend les scènes de musique incroyablement dynamiques, au point qu'on en oublie de respirer.
Il y a également une manière plutôt différente de filmer la musique : là où beaucoup de films proposent une vision romantique du musicien en extase et ne faisant qu'un avec son instrument, on voit ici toute la difficulté du travail de répétition, de l'angoisse et du stress, de la compétition féroce entre musiciens.
Et c'est finalement la grande question du film : est-ce que la fin justifie les moyens ? Est-ce qu'un professeur peut tout se permettre si cela transcende l'élève et lui permet de se dépasser, et tant pis pour les pots cassés et ceux qui n'ont pas pu suivre et qui sont détruits ? À cette question, le film semble finir par répondre oui, ce qui me met mal à l'aise : je reste convaincu que des génies peuvent émerger d'un enseignement respectueux et attentif. Et si l'on rate un ou deux génies parce que l'on a pas voulu tout sacrifier, peut-être est-ce mieux ainsi.
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