vendredi, mars 07, 2014

Reboot cérébral

Il m'est arrivé quelque chose de traumatisant, en Septembre dernier. J'ai attrapé le hoquet.

Enfin, ce ne fut pas d'attraper le hoquet qui fut traumatisant, mais plutôt de s'en débarrasser.

Cette cochonnerie m'a poursuivi pendant 2 semaines, me réveillant parfois la nuit. Je suis donc allé chez la toubibesse, laquelle a convenu qu'il fallait faire quelque chose, et m'a prescrit des médocs. Je me précipite chez le pharmacien du coin, ah non, il va falloir passer commande. Peuh, pensé-je en me précipitant à la méga-pharmacie à côté de mon boulot. Ah bah non, commande aussi. Encore deux jours à hoqueter, et je mets enfin la main sur les pilules.

Ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille: la pharmacienne, au moment de me donner mes médocs, me recommande leur service d'alerte par SMS de livraison des médocs pour les prescriptions qui se répètent. Je me rengorge: "Je ne suis pas malade si souvent!". Mhh!

Arrivé au boulot, avant d'avaler la première pilule, je lis quand même la notice pour savoir ce que l'on me donne. Et là, surprise: c'est un médicament recommandé contre la schizophrénie, ou encore l'hyperactivité de l'enfant! Je me dis que quelqu'un a dû se tromper, et je re-vérifie. En effet, le site Web de la NHS confirme, en plus de son utilisation dans la psychiatrie lourde, il est recommandé dans les cas de hoquets. Ainsi soit-il, me dis-je, en avalant l'inoffensive petite pilule.

Au bout de 2 heures, je me suis retrouvé dans l'incapacité de travailler. D'abord, une sensation de fatigue, puis des difficultés à se concentrer, puis, une seule idée en tête, m'étendre et dormir. Je me traîne à l'infirmerie et passe 15 minutes réparatrices sur un matelas. De retour à mon bureau, je me rends vite compte que je ne serai pas en état de finir la journée.

Je me traîne chez moi. Rarement le chemin du retour m'a semblé si long. Mes pas sont lourds, j'ai l'impression que je vais m'écrouler à terre. Je tente d'évaluer la distance qui sépare la station de métro de mon lit, et compte les mètres 1 à 1. Enfin, j'arrive au plumard, je m'y jette, et je dors jusqu'au soir.

J'émerge quelques heures dans la soirée. Je me décide à reprendre une pilule, la notice expliquant que les effets secondaires sont particulièrement présents au début mais s'estompent avec le temps.

Le lendemain matin, je reprends une pilule, et m'habille pour aller au boulot. Et au moment de partir, je sens que ça ne va pas le faire. Je me sens incapable de réfléchir, ou même de marcher, et je veux juste retourner au lit. J'y passerai la journée.

C'est une sensation des plus bizarres. Nulle position ne me semble confortable, je me tourne et me retourne, je me lève pour aller jusqu'au canapé, et à peine arrivé, je jeux juste retourner au lit. Parfois, j'arrive à dormir un petit peu. Puis je me réveille. Impossible de se concentrer, de faire quoi que ce soit. Je me demande si les effets sont définitifs, et si je pourrai avoir une pension pour cause d'invalidité, si je ne retrouve jamais mes facultés. J'en pleurerait de rage. Je ne reprends pas de pilule.

Le soir, enfin, je commence à me sentir un peu mieux. J'arrive à avaler quelque chose, et à m'occuper un peu de la baraque. Je ne fais pas long feu, à 10 heures je suis de retour au plumard, et je dors comme une masse toute la nuit.

Enfin, c'est la sortie du tunnel. Il me faudra encore 2 jours avant d'être pleinement opérationnel: quelques tremblements, et encore un peu de fatigue.

Maintenant, je comprends mieux le terrible choix des personnes atteintes de schizophrénie: pour arrêter de délirer, il faut devenir une loque humaine. Ce médicament m'a fait sentir à quel point mes facultés mentales étaient fragiles, et m'a donné un terrible aperçu de ce que pourrait être une maladie mentale ou un affaiblissement de l'intelligence dû à l'âge. Il m'est plus doux maintenant, le plaisir de lire, d'étudier un problème complexe, ou simplement d'avoir une conversation intéressante avec quelqu'un.

Mais au moins, mon hoquet est guéri.

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