samedi, juin 21, 2014

Monsieur Lecoq

J'ai terminé le cycle Monsieur Lecoq d'Émile Gaboriau, dont je parlais deux posts plus bas. Toutes ne sont pas disponibles au même endroit, voici donc les liens vers l'ensemble.

Je décerne haut la main à Gaboriau le titre de Maupassant du polar, ou de Conan Doyle du Paris de la Belle Époque, bien qu'il les ait précédés et influencés (au moins pour Doyle). De lire les cinq romans d'un coup, il est intéressant de retrouver systématiquement la même structure: un crime est commis, la police et le juge d'instruction paraissent, l'affaire est en fait plus compliquée qu'il n'y paraît et puise ses racines dans un drame familial, décrit minutieusement en deuxième partie. Un épilogue revient sur la résolution de l'affaire.

Le drame familial en question est systématiquement une sombre affaire de familles ennemies, d'amours contrariés, d'enfants naturels, de jalousie menant au crime, toujours parmi la noblesse campagnarde. Il s'en suit de très intéressantes tranches de vie à l'époque finalement peu connue de la Restauration de 1814, où certains nobles n'avaient toujours pas compris que le monde avait changé depuis 1789, et que la Révolution et l'Empire ne pouvaient pas disparaître d'un coup de baguette magique. L'on remarquera que les roturiers ont rarement les premiers rôles. Il est vrai qu'ils ne faisaient pas tant d'affaires de leurs amours.

Il s'ensuit cependant un certain sentiment de répétition. Là où Conan Doyle avait su se renouveler à chaque histoire, par des crimes très variés commis dans tous les milieux sociaux, et dans des endroits très différents, Gaboriau raconte en fait une histoire à chaque fois très similaire. C'est d'ailleurs la première partie, la phase d'enquête, que je trouve systématiquement la plus intéressante. Voyez cette citation de Gide:

"Lu d'affilée L'affaire Lerouge, Le Dossier 113 et le premier volume de Monsieur Lecocq de Gaboriau. Le second volume me tombe des mains, car Gaboriau patauge dans une psychologie conventionnelle dès qu'il quitte son meilleur domaine : la recherche policière, où il se montre un extraordinaire pionnier, précurseur de tous les romans détectives; ceux de Conan Doyle ne sont que piquette auprès des siens." André Gide - Journal 4 mars 1943 (tirée de cette bibliographie de Gaboriau)

Je pense qu'il ne s'en fallait pas de beaucoup pour que Monsieur Lecoq devienne aussi célèbre que son successeur londonien: les personnages, le style et l'environnement sont parfaits, il aurait juste fallu plus d'histoires, plus courtes, plus variées.

dimanche, juin 15, 2014

The ascent of the Rum-Doodle

The Ascent of Rum Doddle, écrit par W. E. Bowman et paru en 1956, est à la montagne ce que 3 hommes dans un bateau est à la navigation. C'est un pastiche des récits de montagne de l'époque, qui relate l'épopée d'un groupe de montagnards à l'assaut du Rum Doodle, la "Reine des neiges", qui culmine à 40000 1/2 pieds.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas autant ri. Ce n'est pas un bouquin bien long, et c'était fini en 3 aller-retours vers le boulot. Diverses bêtises avec des radios, des bouteilles de Champagne, des crevasses, des porteurs, le cuistot... C'est à lire absolument pour tous les fans de montagne, et pour tous les fans de littérature humoristique. Et l'intersection de ces deux milieux est large :)

The Ascent of the Rum Doodle, written by W. E. Bowman and published in 1956, is to mountaineering what 3 men in a boat is to boating. It's a pastiche of the climbing epics of the time, describing the adventures of a group of climbers to go on top of the Rum Doodle, the "Queen of the Snows", culminating at 40000 1/2 feet.

It's been a long time I had not laughed so much. It's not a very big book, and I got over it in 3 return trips to work. Various mishaps with radios, bottles of Champagne, crevasses, porters, the cook... It's a must read for all mountain fans, and for all humour literature fans. And the intersection of these two groups is large :)

dimanche, juin 08, 2014

Émile Gaboriau

Je découvre un autre auteur de deuxième moitié de XIXème siècle, mon époque favorite. Il s'agit d'Émile Gaboriau, auteur de romans policiers. Un petit air de Maupassant pour le portrait doux-amer d'une époque où l'on se déplaçait en fiacre, où l'on était jugé sur son nombre de milliers de livres de rentes, et où on allait au théâtre pour se montrer avec sa dernière maîtresse. Et un gros air de Conan Doyle avec deux détectives, le père Tirauclair, et l'agent de la sûreté Lecoq, inspiré de François Vidocq. Ces deux détectives récoltent les indices et tirent de long raisonnements pour expliquer le crime, façon Sherlock Holmes ou Arsène Lupin.

Sauf que l'inspiration va dans l'autre sens: Émile Gaboriau, lui-même inspiré du personnage d'Auguste Dupin de Poe, a fortement influencé Connan Doyle, avant d'être complètement dépassé par la popularité du célèbre détective britannique.

Il est intéressant de noter que Gaboriau prend une approche très réaliste de l'enquête policière: l'on retrouve juges d'instructions, procureurs, et agents de la sûreté, associés pour faire éclater la vérité, mais avec pourtant une certaine dose de compétition. Il s'agit non seulement de trouver le coupable, mais également d'apporter suffisamment de preuves pour avoir une chance de le faire condamner par le jury. Et quand le juge d'instruction part bille en tête sur une idée fausse, l'agent de la sûreté ne peut s'empêcher de prendre un malin plaisir à lui démontrer son erreur.

Au final, ça se lit très bien, le style est agréable, et les enquêtes sont pleines de rebondissements. Contrairement à ce à quoi l'on pourrait s'attendre de ces toutes premières histoires de détectives, les histoires étonnent encore. Bien joué, Émile!

Commencez par L'Affaire Lerouge, et continuez avec Le Crime d'Orcival.